Le 11 octobre 1914, deux mois après la déclaration de guerre et peu avant l’arrivée des premières troupes allemandes à Tourcoing, Céline Deherripon entreprend la rédaction d’un journal sous forme de lettres adressées à son fils Georges prêtre et infirmier qui réside en zone libre à Rennes.
Agée de 75 ans en 1914, cette fervente catholique d’origine belge née le 24 juin 1839, paroissienne de Saint-Christophe, veuve d’un ancien directeur de la Banque de France, vit dans sa maison au 55 de la rue des Anges en compagnie de deux autres enfants : Marguerite et Eugène.
Durant plus de quatre ans, elle tient son journal, dans un modeste cahier d’écolier à la couverture fleurie. D’une fine écriture penchée, elle y décrit sa vie quotidienne, celle de sa famille et de ses concitoyens durant l’occupation de Tourcoing : le défilé des troupes allemandes, le passage des taubes (avions monoplans de reconnaissance allemands), le bruit du canon qui rythme le temps, les bombardements nocturnes qui l’effraient, les affiches qui font régulièrement part des ordres de la kommandantur, le départ des otages, les soldats qu’elle héberge bien malgré elle, les difficultés de ravitaillement… Entre souffrance, désespoir, indignation, ironie parfois, son témoignage est souvent émouvant même s’il est, sur certains points, imprécis ou sujet à interrogation.
Ses lettres ne parviendront jamais à son fils durant les quatre ans de guerre, les liaisons postales étant arrêtées entre la France non envahie et les territoires occupés. Au retour tant espéré de son fils le 2 janvier 1919, lui a-t-elle fait lire les feuillets qu’elle avait si soigneusement remplis ? Le journal ne le dit pas…
Le cahier manuscrit de Céline Deherripon est aujourd’hui conservé à la Médiathèque municipale de Tourcoing.