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Le document du momentCommémoration de la bataille de Tourcoing du 29 floréal an II au 18 mai 1794

Affiche des festivités du centenaire qui se sont déroulées du 18 au 22 mai 1894.
Archives municipales de Tourcoing, I 1 B 504. |
Confrontée au soulèvement des régions de l’Ouest, la jeune République doit faire face en 1794 à la coalition qui regroupe les forces autrichiennes, prussiennes et anglaises. C’est dans ce contexte que prend lieu la bataille de Tourcoing. En avril 1794 (floréal an II), Lazare Carnot, membre du Comité de Salut Public, décide de lancer deux colonnes sur la Belgique. Menin est ainsi prise le 11 floréal (30 avril), à l’issue d’un combat fratricide entre les troupes révolutionnaires et un bataillon d’émigrés. Cherchant à défendre Courtrai et Lille, le général Joseph Souham réorganise l’armée du Nord. Son plan délaisse Tourcoing et ses environs immédiats et les états-majors coalisés ne tardent pas à chercher à profiter de la situation. Le major-général autrichien Karl Mack est chargé d’un plan de destruction visant à isoler les troupes de Souham, qui contrôlent alors la route de Mouscron à Courtrai. Dans son plan, Tourcoing doit servir de lieu de rassemblement des six colonnes alliées lancées simultanément à l’attaque. Le 28 floréal an II (17 mai 1794), les six corps d’armée se mettent en ordre de marche et se lancent dans la bataille. C’est sans compter sur les troupes révolutionnaires qui parviennent à se glisser entre Tourcoing et Wervicq, empêchant ainsi la jonction des colonnes commandées par l’Hanovrien von dem Bussche et l’Autrichien Clerfayt. Le lendemain, les troupes révolutionnaires surprennent celles de la coalition.
Le 29 floréal, au petit matin, c’est d’abord par le Nord que les hommes de Souham attaquent. La brigade du général Philippe Malbrancq, partie du Blanc Four à Roncq, repousse les Autrichiens stationnés au Brun Pain à Tourcoing, qui reculent vers le centre. Celle du général Etienne Macdonald arrive peu après aux Phalempins et livre combat rue du Haze. Bloquées dans le centre de la ville, il faut l’aide opportune d’un citoyen de Tourcoing pour que les avant-gardes contournent les troupes ennemies en empruntant la ruelle des Madrilles, qui débouche sur la Grand’Place où étaient concentrés les coalisés. L’heure est alors aux combats de rue, jusqu’à ce que les canons français installés au sud, à l’Epidème, visent le bataillon du général autrichien Montfrault. Dès 8 h du matin, les armées françaises contrôlent la ville, tandis que la bataille se poursuit pendant plusieurs heures autour de Tourcoing. Quelques jours après la bataille de Tourcoing, malgré l’échec à Pont-à-Chin le 3 prairial (22 mai), l’Armée du Nord remporte une nouvelle victoire contre la coalition, à Fleurus le 8 messidor (26 juin). Dès lors, la République assiégée reprend l’initiative, contre-attaque et avance.
En mai 1894, Tourcoing décide de célébrer le centenaire de la bataille. Fière de sa présence au sein des grandes heures révolutionnaires, la cité qui atteint alors son apogée y trouve une marque de son identité. C’est une façon pour elle d’ancrer sa modernité industrielle dans une page d’histoire qui se veut glorieuse. Les illustrations de l’affiche représentent ainsi un paysage tourquennois antérieur à l’urbanisation et à l’industrialisation. Ici, l’heure est encore aux hameaux ruraux d’où sont parties les contre-attaques françaises et au bourg dont Saint-Christophe marque le centre. L’intérêt stratégique des moulins est d’ailleurs valorisé dans cette affiche.
Cependant, c’est bien le Tourcoing de 1894 qui est à l’œuvre et non celui de 1794, d’autant qu’il n’y a alors plus de témoins vaillants de cet épisode. Quelques jours seulement après la Pentecôte, la République locale contre-attaque. Les relations entre le maire Victor Hassebroucq et le curé de Saint-Christophe Désiré Van Bockstael sont depuis longtemps tendues. Ce dernier vient d’organiser une mission confiée aux Rédemptoristes et ouvre de nombreuses écoles privées. Dans un contexte d’affirmation de la République, le centenaire de 1794 donne l’occasion à la municipalité de répondre au clergé local. Par les rites qu’elles proposent, autour de la marche (cortèges et retraite aux flambeaux), de la musique (cantate patriotique, grand concert, bal,…), des fleurs (exposition et fête horticoles) et du savoir (conférence inaugurale), les festivités constituent une contre-attaque républicaine au fort ancrage catholique tourquennois.
Grâce à un important effort financier de la municipalité, à la générosité des souscripteurs et à l’implication des Tourquennois, les fêtes du centenaire de la bataille de Tourcoing sont fastueuses. Les cortèges sont composés de nombreux figurants tourquennois costumés, les fenêtres se pavoisent, des salves sont tirées, une reconstitution de la bataille est même organisée. L’enthousiasme et la concorde semblent régner lors de ces journées tourquennoises.
François da Rocha Carneiro, professeur missionné
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Bibliographie
LALOUETTE, Jacqueline, Jours de fête : jours fériés et fêtes légales dans la France contemporaine, Taillandier, 2010.
TELLIER, Thibault, « La commémoration du centenaire de la bataille de Tourcoing en 1894 » in Actes du colloque d’histoire du 5-6 novembre 1994 à l’occasion du bicentenaire de la bataille de Tourcoing, 29 floréal an II-18 mai 1794, publication extraordinaire de la Société d’histoire de Mouscron et de la région, numéro spécial de la revue de Tourcoing et du Pays de Ferrain, 1995, pp 35-44. BIB 8
VIGNOBLE, Emile, Tourcoing, la victoire de l’an II, Commission historique et généalogique de Wasquehal, 1993.
WATRY, Yves, La bataille de Tourcoing, 1988. BIB 7
Sources complémentaires aux Archives municipales de Tourcoing
BB7 Registre des délibérations municipales, 10 février 1790-18 floréal an VII.
7 D 45-50 Délibérations du conseil municipal : dossiers des séances. Année 1894.
10 D 1 Registres des correspondances, 26 avril 1793-11 décembre 1798.
I 1 B 503-506 Fêtes du centenaire de la bataille de Tourcoing : organisation, liste des souscripteurs. 1893-1895
M 1 K 1 Monument commémoratif de la bataille de Tourcoing : projets, rapports, pose de la première pierre, réception définitive. 1859-1869
14 Ph 141 Monument commémoratif de la bataille de Tourcoing. Reproduction, 1990, cartes postales. 143, 148
16 Ph 23-29 Centenaire de la bataille de Tourcoing 18 mai 1794-1894, fête commémorative du centenaire de la bataille de Tourcoing ; Reproductions issues de l'album souvenir du "Centenaire de la Bataille de Tourcoing 18 mai 1794-1894" 1987, photo NB.
18 Fi 23 La bataille de Tourcoing (18 mai 1794). D'après le peintre militaire Emile Boutigny (salle du Conseil municipal de Tourcoing). 8x27 cm, reproduction NB.
18 Fi 24 La bataille de Tourcoing. D'après un tableau de Jollivet au musée de Versailles. 8x15 cm, reproduction NB.
20 Fi 1 Monument de la Bataille de Tourcoing 19 mai 1794, carte postale, Eugène Bouriez, Tourcoing.
20 Fi 20 Bataille de Tourcoing - 1794. Le colonel du Landgrave de Hesse remet son épée au général Souham. Carte postale, Eblagon, Amis de Tourcoing, Tourcoing
30 Ph 16 Monument de la bataille de Tourcoing, gros plan, reproduction, 1988, 8 x 10,5, 1/1, photo NB bistre.
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