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La voie des indés 2014

LOGO Voie des indés

La rentrée littéraire constitue un moment privilégié durant lequel l’attention des médias et du grand public se tourne plus volontiers vers le livre et la lecture. Si ce contexte est très profitable aux grands groupes éditoriaux, ce dont nous nous réjouissons, il l’est nettement moins pour un certain nombre de maisons qui ne disposent pas des moyens nécessaires à assurer leur visibilité.
La Voie des indés souhaite mutualiser les efforts de chacun des intervenants de la chaîne du livre en s’appuyant sur des libraires et des bibliothécaires qui assurent déjà ce travail au quotidien.

12 bibliothécaires du réseau des médiathèques de Tourcoing vous feront découvrir leurs critiques au fur et à mesure de leurs lectures...

 

The LP collection : les trésors cachés de la musique underground
de Laurent Schlitter et Patrick Claudet
Le mot et le reste (2014)

La critique d'Hélène : Deux auteurs inconnus, érudits musicaux globe-trotters, sortent de l’ombre cinquante galettes vinyles, pépites glanées chez des disquaires d’occasion, de Tokyo à Beyrouth. Œuvres même pas maudites, juste dotées d’une valeur artistique inversement proportionnelle à leur renommée.
On cherche, en vain, un groupe dont le nom nous serait familier. Intrigué, on interroge la toile à propos de ces artistes inconnus (qui sont ces Glaives, Lillois qui figurent dans ce spectre underground ?).
On aimerait entendre ce qui nous est brillement raconté et puis on comprend. Bel hommage à la critique musicale et au fake littéraire qui nous rappelle que rock et mythologie sont indissociables.

 

les trésors cachés de la musique underground

Un lion derrière la vitre

Un lion derrière la vitre
Light Motiv (2014)

La critique de Julie : Ce livre est un étrange voyage, envoûtant, dépaysant, troublant. Un voyage à faire absolument en écoutant le cd qui accompagne à merveille les images et le texte. C'est l'association des 3 qui transcendent, pour moi, ce livre. Sans la musique, il resterait un beau livre, original, mais avec il touche à un petit quelque chose d'exceptionnel.
Les photos en noir et blanc, toute simples, allient le passé et le présent, la vie et la mort, la grandeur et la décadence, l'humain et l'inhumain. Venise, Istanbul, Jérusalem, Alexandrie, Sarajevo, Cordoue nous sont offertes, différentes, tristes et vivantes. La série sur Istanbul est celle que je préfère je pense, Istanbul la somnambule.
J'apprécie beaucoup le côté multilingue de l'édition : français/anglais pour la présentation, français/langue de la ville pour chaque ville traversée. Cela aide au dépaysement, met tout de suite dans l'ambiance. Une très belle édition de qualité, qui permet au lecteur de s'immerger totalement.

 

Et tu connaitras l'univers et les dieux
de Jesse Jacobs
Tanibis (2014)

La critique de Céline : Cette bande dessinée en biochromie livre une version de la création du monde à la fois fantaisiste et sombre. Les dieux dont le physique ne ressemble en rien à celui des dieux de l’Olympe sont figurés par de grandes masses informes tatouées de motifs répétitifs. Tantôt camarades amis/ennemis, tantôt apprentis scientifiques, ils inventent de nouvelles formes et concepts physiques pour un « conseiller » qui leur distribuent les bons et mauvais points.
L’univers et l’esthétique rappellent ceux de Charles Burns et de Chris Ware avec des personnages atrocement cruels qui en côtoient d’autres, gentils et complexés.
Pour l’anecdote, le titre est la suite souvent ignorée du fameux proverbe « Connais-toi toi-même… ».

La critique de Blandine : Une vision de la création du monde qui met en avant la dualité et l'ambivalence (des Dieux et de nous par la même occasion) : le sens des autres y est opposé à la cruauté. C'est dérangeant, à tout point de vue : l'histoire (cruelle), les personnages (sombres), le graphisme (grouillant) ...

 

Et tu connaitras l'univers et les dieux

la véritable histoire Isabel Alba

La véritable histoire de Matias Bran
d'Isabel Alba
La Contre Allée (2014)

La critique de Rémi : A travers l’histoire des usines d’armements Wieser basées à Budapest au début du XXème siècle, ce premier livre d’une ample œuvre romanesque témoigne de la sordide condition des ouvriers.
Issus des campagnes ou des quartiers populaires, ces hommes et ces femmes survivent : c’est ainsi qu’à l’âpreté et la crasse de l’usine succède, en 1914, l’horreur de la guerre.
Politique, engagé, ce roman au style direct nous dépeint une lutte. Ce combat n’est pas national mais est déterminé par la condition sociale des hommes et des femmes qui composent une société quasi féodale. Entre idéologie politique et fresque humaniste, Isabel Alba s’attache au rôle des femmes durant cette période agitée. « La véritable histoire de Matias Bran » bouscule et questionne son lecteur.

 

Le jour où la guerre s'arrêta
de Pierre Bordage
Au Diable Vauvert(2014)

La critique de Christine : Pierre Bordage n’est pas le premier romancier à mettre en scène un extra-terrestre qui débarque sur notre planète et porte un regard critique sur la société humaine. Il imagine son héros sous l’apparence d’un jeune garçon à la recherche de ses souvenirs et de son âme et il le promène sur terre dans différents milieux. Mais partout cet être qui ne connaît que l’amour découvre avec horreur la guerre et la violence. Il tente alors de convertir les hommes à des mœurs plus douces qui les sauveraient.
Pierre Bordage compose ici un conte philosophique à la manière de Coelho ou de Saint-Exupéry. Mais le talent en moins car il adopte un ton moralisateur, convenu et bien pensant qui ne peut qu’ennuyer le lecteur. On cherche en vain un peu de fantaisie ou de poésie dans ce texte, alors que le thème s’y prêtait.

La critique de Blandine : Un conte qui nous place face aux absurdités de notre monde et de notre fonctionnement. On y voit quelques pistes pour se reconnecter avec soi-même, avec les autres aussi, et puis ne pas s'enfermer dans des réalités dictés par d'autres ... Globalement, le message formulé est intéressant. Le fait que ce soit un conte s'y prête, cela amène de la légèreté à ce sujet si grave ... Cependant, il manque un petit quelque chose de plus pour que l'on s'attache complètement à cet enfant si particulier, les répétitions amènent un rythme mais alourdissent également l'ensemble ...

 

Le jour où la guerre s'arrêta

Derrière le papier à fleurs

Derrière le papier à fleurs
de J. Terrier
Ed. Rue des Promenades (2014)

La critique d'Odile : Amour passion, amour chagrin, amour raté, amour jouissance, amour perdu…
Ce recueil de nouvelles décline les multiples aspects de l’amour à travers de petits portraits féminins ciselés.
Ces histoires évoquent des moments forts ou émouvants comme la quête de l’amour paternel, la fin d’une liaison, le bonheur d’un amour partagé, le mal d’enfant ou le deuil. Beaucoup de talent de cet auteur pour réussir en peu de pages à faire passer avec finesse des sentiments, craintes ou aspirations qui peuvent souvent nous concerner.

La critique de Noria : De l’amour fébrile d’une fille pour un père absent, à la passion addictive d’une maîtresse pour son amant volage, le ton de ces nouvelles est donné : les histoires d’amour finissent mal en général !
Chagrin d’amour adolescent, amour maternel blessé ou amours manqués, toutes les facettes de l’amour sont transposées dans un quotidien souvent fragile et racontées sur un ton tantôt drôle et touchant, tantôt cruel et cynique.

 

L’infini livre
de Noëlle Revaz
Zoé (2014)

La critique de Jessica : Par l’intermédiaire de ces deux personnages, Jenna et Joanna, deux écrivaines à succès, l’auteure nous dépeint un monde littéraire qui ne pense plus que par le marketing. Le livre, tout comme son auteur, ne sont plus que de simples objets de décoration, qu’il ne faut surtout pas ouvrir, sous peine de devoir comprendre ce qui est dit. Le contenu n’a plus aucune importance, ce qui compte, ce sont les apparences. L’Infini livre est également une critique de la société, une société déshumanisée, où l’on ne prend plus le temps et la peine de se cultiver, les écrans étant là pour répondre à toutes nos questions.
L’Infini livre est une critique amère de la culture actuelle et de son devenir.

 

L’infini livre

Tu n’es plus dans le coup

Tu n’es plus dans le coup
d’Amélie Plume
Zoé (2014)

La critique d'Axelle : La mort de Réjean, son deuxième mari, pousse Lily Petite à s’interroger sur la vie et la mort. Elle se demande comment accepter sa propre fin ? Comment préparer au mieux cet inévitable « adieu » avec nos proches ?
Comment aborder la vieillesse et ces « demain » de moins en moins nombreux au fil des années qui passent ?Tu n’es plus dans le coup ! se lit comme le journal intime de la narratrice. Nous sommes au cœur des pensées de Lily et ses pensées vagabondent d’une idée à l’autre.
Sans prétention, ce livre est un hymne à la vie et à la nature. Une méditation tendre et drôle où l’Homme et la nature sont sans cesse mis en parallèle dans cette « beauté de la vie qui nait, s’épanouit, se fane, meurt… et renaît. »

 

Face Nord
photogr. de Charles Delcourt
Light Motiv (2014)

La critique de Christine : A vos piolets, à vos crampons pour parcourir les terres escarpées de la France septentrionale ! En effet, loin de nous les versants de l’Himalaya ou des Andes… Cet album nous invite à parcourir les pentes des terrils qui hérissent le plat pays dans les anciennes zones minières de Denain à Lens.
Une vraie bonne idée d’avoir inscrit ce livre sous l’égide du paradoxe et de l’humour. D’emblée le ton est donné par des photographies tout en couleur que la mise en page très soignée et le format au carré de l’ouvrage mettent bien en valeur.
Au fil des pages, photographies et textes alternent et se répondent dans un dialogue savoureux. En effet, autant dans les images de Charles Delcourt que dans les courts récits d’Andreï Kourkov, s’expriment la poésie du quotidien et des paysages, l’humour ou l’incongruité de certaines situations et la tendresse envers les habitants de ces cités ex-minières.
Que l’on songe à ce couple qui pose devant sa porte de garage, ce patron de bar qui ne rêve que d’Amérique ou cette jeune femme si fière de son automobile qu’elle a customisée : toutes ces images impriment notre mémoire dans un bel album que l’on prend plaisir à regarder et à lire et qui change notre regard sur le noir pays aujourd’hui transformé.

 

Face Nord

Salon de beauté

Salon de beauté
de Mario Bellatin
Christophe Lucquin (2014)

La critique de Nathalie : Voici une nouvelle édition de ce titre finaliste du prix Médicis étranger en 2000. Christophe Lucquin, éditeur, propose une nouvelle traduction et aussi une nouvelle maquette sobre et belle, au design bleu sur blanc qui ajoute au plaisir de la lecture.
Dans un pays d’Amérique du Sud non identifié, un homme, ancien travesti, a transformé son salon de beauté, réservé aux femmes, en mouroir réservé aux hommes victimes d’une épidémie ravageuse mais pas nommée non plus. Bien sur on peut supposer qu’il s’agit du sida.
Livre étonnant dans lequel se mêle la vie du narrateur, la fin de vie des malades et la disparition des poissons qui peuplaient les aquariums du salon de beauté.