Le Château et le Pont des Piats en 1827
Le Pré de la Baille en 1850
La rue d’Anvers et la rue de la Blanche Porte en 1885
La rue Neuve de Roubaix en 1850
Le Fresnoy en 1885 |
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Indissociable de son
environnement, l’habitat suit l’évolution
économique de la ville : rural en majorité au
début du XIXème siècle, il prend progressivement
des composantes urbaines.
En 1827, en dehors du Centre Ville, l’habitat reste
très épars. Ainsi, comme dans le quartier du
Château–Pont des Piats, il ne se développe qu’à
proximité des axes de circulation. Quelques fermes
(cours carrées) voisinent avec des petites maisons
de tisserands et d’ouvriers agricoles. Mais, peu à
peu le réseau urbain se densifie, la campagne laisse
place à la ville.
Ces transformations s’effectuent sur un rythme différent
selon les quartiers : ainsi, en 1850, les prés dominent
encore dans le secteur de la Baille, mais on y remarque malgré
tout des maisons ouvrières . Le Centre Ville par contre
est déjà bien loti et préfigure déjà
la "mixité sociale". Celle–ci s’illustre
aussi au Flocon avec une maison bourgeoise (2 portes cochères,
40 ouvertures) appartenant aux enfants Leplat–Deltour, comportant
un jardin d’agrément garni d’un pavillon
; au bout du jardin, les propriétaires possèdent
également un ensemble de quatorze maisons de cinq ouvertures
appelées "Cour Leplat–Deltour". De même,
en 1885, aux abords du boulevard Gambetta, un ensemble de
trente–huit maisons ouvrières appartient à un
même propriétaire. Ainsi vont cohabiter habitat
ouvrier et bientôt bourgeois de part et d’autre
du boulevard en cours de lotissement.
Au fil du siècle, l’habitat ouvrier se densifie.
Les prémices se font sentir vers 1850 : hors Centre
Ville, quelques fermes ayant perdu leur fonction originelle,
se voient divisées en logements ouvriers. Par exemple,
au Pré de la Baille, une ferme comportant dix ouvertures
en 1827 a été divisée en cinq logements
amenant le nombre d’ouvertures à vingt–huit en
1850. On remarque également au Champs des Nônnes
un bâtiment au profil de ferme divisé en quatre
habitations : cet aménagement, pour des raisons économiques,
autour de la cour de ferme préfigure–t–il la courée
? En tout cas, un bel exemple de réhabilitation de
ferme en courée est donné au Pont–de–Neuville
: une ferme appartenant à la famille Dhennequin depuis
1827 a ainsi été lotie pour 1885 en dix logements
autour de la cour.
Des courées se développent en effet dans de
nombreux quartiers, ruraux ou industriels. Ainsi rues d’Anvers
et de la Blanche–Porte, dans un périmètre proche
des industrieuses rues de Lille et de Paris, prolifère
ce type d’habitat : alors que les "fronts à
rues" sont encore vierges, ces constructions occupent
l’intérieur des îlots. Ces courées
portent généralement le nom de leurs propriétaires
: par exemple, la cour Dewitte comporte cinquante–deux maisons
appartenant à M. Louis Dewitte, curé à Monchecourt.
Il est courant que les fabricants et les commerçants
construisent et possèdent des rangs de maisons ouvrières
tels cette boulangère et ce chapelier au Tilleul. Comme
beaucoup, ces deux commerçants ont donc investi dans
l’"immobilier ouvrier" avec ces ensembles,
au profil de courées, construits perpendiculairement
à la rue.
On ne trouve alors guère à Tourcoing de quartier
strictement populaire puisque coexistent souvent sur un même
lieu à la fois habitats ouvrier et bourgeois.
De grandes propriétés fleurissent ainsi dans
la deuxième moitié du XIXème siècle,
en particulier au Blanc Seau. Ce quartier resté encore
très rural en 1827 est un terrain privilégié pour ces prestigieuses constructions.
Ainsi, au bord de la future rue de Mouvaux, dans un fameux
jardin (1,43 hectares), M. Decottignies–Dazin, fabricant à
Roubaix, dispose d’une maison comportant une porte cochère,
et 19 ouvertures. Un autre roubaisien, Victor Vaissier, savonnier,
profite de cet écrin de verdure pour y bâtir
son extravagant Château du Congo, vers 1885.
De même, au Fresnoy, appartenant en 1885 à la
veuve Constantin Descat–Leconte, le Château, dont le
nom s’identifie au quartier, s’impose dans le
paysage avec 105 ouvertures sur 4,15 ares (parcelle 479).
Dans un "parc" de 5,85 hectares se trouvent une
maison de concierge (parcelle 474), une maison (parcelle 483),
une laiterie (parcelle 484), une étable (parcelle 485),
trois remises (parcelles 475, 477, 482), un pavillon (parcelle
480), une orangerie (parcelle 478) et des écuries (parcelle
476). Ce Château est démoli pour ouvrir le boulevard
Descat.
Le quartier de l’Epidème possède aussi
ce type de résidences bourgeoises. Ainsi, au beau milieu
de la rue Neuve de Roubaix, à l’angle de la future
rue des Omnibus, M. Delanoy–Piat se fait construire une gentilhommière
vers 1834 (1 porte cochère, 23 ouvertures ; parcelle
1108 en 1850) dans un jardin d’1,4 hectare (parcelle
1107) agrémenté d’une pièce d’eau.
Il fait aussi ériger une chapelle (parcelle 1110) et
deux bâtiments ruraux (parcelles 1109 et 1111). M. F.
Scalabre–Delcourt, filateur, y fait reconstruire en 1885 un
immeuble plus important (2 portes cochères, 57 ouvertures)
et installe trois serres. Dans les années 1960, à
l’emplacement de cette propriété en ruines
seront construits des H.L.M.
La propriété voisine bénéficie
d’un double accès, rues de Roubaix et des Cinq
Voies. L’un d’eux est constitué d’une
allée plantée au beau milieu d’une pâture
(1,45 hectare ; parcelle 1099 en 1850) aboutissant dans un
jardin d’agrément (parcelle 1102). Cette autre
propriété de M. Motte–Roussel dispose de trois
jardins (1,48 hectares ; parcelles 1100, 1102, 1103).
Sur un siècle, l’habitat tourquennois s’est
donc profondément transformé : la croissance
démographique et l’essor industriel ont fait
explosé le paysage rural ancien au profit d’un
tissu urbain dense mêlant entreprises et habitations
bourgeoises et ouvrières. S’affirme alors la
nécessité de fournir des équipements
publics et de loisirs.
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