Défilé des troupes allemandes sur la Grand'place de Tourcoing, octobre 1914, prise de vue réalisée clandestinement d'une des fenêtres de la pharmacie Vanneufville, photographie, octobre 1914. Archives municipales de Tourcoing, fonds Vanneufville série Fi supplément. |
Le 28 juillet 1914, suite à l’assassinat de l’Archiduc François-Ferdinand un mois auparavant, l’Autriche entre en guerre contre la Serbie. Désireuse de faire respecter ses intérêts dans les Balkans, la Russie décrète la mobilisation contre l’Autriche-Hongrie le 29 et contre l’Allemagne le 30. En réponse, cette dernière déclare la guerre au Tsar et, le 3 août, à la France. La veille, le décret de mobilisation générale est affiché dans toutes les communes. À Tourcoing, on pavoise, on chante la Marseillaise, on se prépare à un conflit qu’on pense de courte durée. Tous veulent s’engager, les vétérans de 1870 désirent reprendre du service et les femmes souhaitent s’investir en tant qu’infirmières. Le 4, les Allemands pénètrent en Belgique violant ainsi sa neutralité. L’Angleterre garante du territoire belge s’allie à la France ainsi que tous les pays du Commonwealth. Les envahisseurs progressent rapidement. Le pays est placé en état de siège. Gustave Dron fraîchement élu sénateur (juin 1914) choisit de regagner sa ville.Dès le 7, l’État-major français attend les colonnes de Guillaume II en Alsace-Lorraine (annexée depuis 1871) et non dans le Nord. Le maréchal Joffre ne voit donc pas l’intérêt de maintenir des troupes et du matériel à Lille. Le 24 août, les militaires quittent la cité qui est alors déclarée "ville ouverte", ce qui signifie qu’elle est plus défendue. La population est inquiète, pourquoi le gouvernement abandonne-t-il la région ? Si Lille tombe, Tourcoing suivra. Le 31 août, le lieutenant Von Oppel s’installe à la préfecture de Lille avec ses hussards. Le 2 septembre, les Allemands se présentent à l’Hôtel de ville de Tourcoing et réclament des otages. Ils emmènent Gustave Dron et le maire de Roubaix à la mairie de Lille afin de leur faire désigner des otages communs. Chaque jour, deux conseillers municipaux se rendent à Lille pour y servir de garantie. Trois jours plus tard, les soldats quittent la région, le "service d’otage" est donc suspendu. Pourtant des patrouilles de cavaliers sont constamment signalées dans les périphéries. Devant le danger, sans aucune aide militaire, Gustave Dron en accord avec les édiles des autres grandes villes et afin d’éviter un bain de sang inutile, invite la population à ne pas résister et choisit d’opposer la force d’inertie à la brutalité de l’envahisseur. Parallèlement du 5 au 12 septembre, s’engage la première bataille de la Marne. Paris est sauvée. Le Général Foch décide d’envoyer quelques troupes à Lille qu’il désire maintenant défendre. Pourtant, malgré de rudes combats, la ville tombe aux mains des Allemands le 14 octobre 1914, Roubaix et Tourcoing le lendemain. Le front se stabilise un peu plus loin. L’autorité allemande s’installe pour quatre ans. Quatre années durant lesquelles Gustave Dron est constamment tenaillé entre les ordres des occupants qui menacent de raser la ville et de passer ses occupants par les armes, et les problèmes de ses administrés qui se sentent abandonnés par le gouvernement français et qui sont privés de tout. Le 14 octobre 1914, le 35ème régiment de la Landwehr (armée de métier) arrive à la mairie et explique à Gustave Dron que sa ville vient de passer sous le gouvernement du Kronprinz Rupprecht de Bavière et qu’il doit immédiatement former un groupe de six otages composés de deux prêtres, deux membres de la Chambre de commerce et deux membres du Conseil municipal. Gustave Dron souhaite accompagner les volontaires jusqu’à leur lieu de détention à Roncq. Les six hommes sont renouvelés tous les trois jours. Á la fin du mois d’octobre, il n’y a plus de volontaires et le maire doit se résoudre à convoquer certains notables. Le jeudi 15, le commandant Passaüer, chef provisoire de la Kommandantur et l’État-major s’installent à l’Hôtel de ville qui est investi par la troupe. Passaüer s’isole en compagnie du maire et des adjoints pour leur signifier officiellement sa prise de pouvoir sur la ville et le montant de la contribution financière qui doit être payée par la municipalité. Les réquisitions de logements et de nourriture sont également examinées. Á partir du 20, le couvre-feu est instauré. Le 16 novembre, Passaüer passe le commandement de la ville au baron Von Tessin. Gustave Dron s’évertue constamment à adoucir autant que faire se peut la situation. Le 9 décembre 1914, l’occupant décrète l’arrêt des fabrications dans les usines, les ouvriers sont au chômage. Les Allemands réquisitionnent tout ce qu’ils peuvent. La ville est systématiquement dévalisée. En novembre 1917, on demande à la municipalité de fournir 1 200 œufs par mois. Rapidement la population est privée de tout. Le 20 novembre 1914, Gustave Dron s’inquiète, les soldats ont pris 30 des 40 vaches laitières de la Bourgogne dont le lait était initialement réservé aux nourrissons et aux malades. L’argent liquide vient à manquer. Il lui faut donc se grouper avec le maire de Roubaix afin d’éditer des bons de monnaie destinés à remplacer les billets. L’état sanitaire de la population se dégrade de plus en plus. Le froid mais surtout la faim vont faire des ravages parmi la population. L’Allemagne entend obtenir des territoires occupés le maximum de denrées possible d’autant plus qu’elle subit le blocus anglais et que ses propres habitants ont de plus en plus de mal à se nourrir. En 1915, la situation devient catastrophique. La Suisse et le gouvernement français sollicités par Gustave Dron, refusent d’apporter leur aide. La municipalité fait appel au Comité Hispano-Américain créé par Herbert Clark Hoover. Un Comité d’Alimentation pour le Nord de la France est chargé de répartir les marchandises et le Comitee for Relief in Belgium s’occupe des achats. Des distributions payantes de nourriture sont organisées deux fois par mois, les indigents y ont accès gratuitement. Gustave Dron met en place la distribution d’une carte destinée aux adolescents leur permettant de bénéficier d’une soupe de croissance mise au point par l’Institut Pasteur de Lille et correspondant à 400 calories. Gustave Dron, accusé d’espionnage, est arrêté le 15 mai 1918. Il est emprisonné à Loos, où il subit un régime vexatoire : il ne peut ni fumer, ni avoir un crayon, ni un livre. Il est déféré devant un conseil de guerre réunit à la prison de Saint Gilles en Belgique qui décide de son transfert vers un camps d’internement en Allemagne. Le 15 octobre 1918 les Allemands reçoivent l’ordre d’abandonner Tourcoing ; le 17 les Anglais font leur première apparition aux environs de l’octroi du Brun-Pain. L’armistice est signé juste avant la déportation de Gustave Dron. Le 19 novembre, il est de retour à Tourcoing, le 21, il est acclamé au Sénat. |